Accès à la terre et à la propriété
Au Tchad, l’accès à la terre est régi par les lois 23, 24 et 25 du 22 juillet 1967 qui garantissent le droit de la libre possession à tous sans distinction aucune. Ces lois ont été complétées par la loi N°7 du 5 juin 2012 qui renforce les capacités des communautés rurales dans la gestion des ressources naturelles et le décret No 215 du 24 avril 2002 qui institue un Observatoire national du foncier (FAO 2021).
Cependant l’accès à la terre et à la propriété pour les femmes demeure une préoccupation importante au Tchad où l’égalité femme/homme dans ce domaine est loin d’être satisfaisante.
En milieu rural comme en milieu urbain, la proportion des femmes ayant accès aux ressources foncières reste minime à cause notamment des considérations sociales relatives aux valeurs coutumières qui privent la femme d’un accès direct à la terre sans discrimination. Mais seules 20 % des femmes rurales par exemple possèdent une parcelle agricole (Oxfam, 2014 et FAO 2021).
Accès aux financements et au crédit
L’accès aux financements et aux crédits reste limité pour les femmes au Tchad. Seules 3.5% des femmes disposent d’un compte bancaire et seulement 11,8 % ont accès au crédit (ECOSIT 3). Cependant, l’Etat a investi dans différentes infrastructures afin d’assurer aux femmes de meilleures conditions dans les activités économiques. C’est l’exemple de :
- la construction de deux marchés modernes de vente de poissons frais à N’Djamena au profit des femmes vendeuses de poissons (en 2014 et 2016) ;
- l’appui à l’organisation de la filière pêche où excelle un nombre important de femmes commerçantes qui a commencé depuis 2014 avec le projet PRODEPECHE ;
- l’organisation des voyages d’échanges au profit des acteurs de la filière pêche y compris les femmes vendeuses de poissons dans les autres pays menant les actions similaires (en Gambie et au Sénégal) ;
- la création du Ministère de la Formation Professionnelle et des petits métiers placé sous la direction d’une femme a permis aux femmes et aux jeunes d’avoir accès aux crédits pour les activités génératrices de revenus.
Accès à l’éducation
La question de l’accès des filles à l’éducation demeure toujours une problématique au Tchad où les statistiques montrent que seulement 43% des 2.5 millions de filles en âges d’aller à l’école y vont effectivement, selon un rapport du ministère de l’Éducation nationale datant de 2015. Aussi, selon l’Annuaire statistique du Ministère de l’Education Nationale, des provinces de la bande sahélienne ont des taux assez faibles : on peut citer entre autres le Borkou (18,8%), l’Ennedi Ouest (24,6%), l’Ennedi Est (46,6%), le Bahr-El-Ghazal (30,2%), le Hadjer-Lamis (32,7%), le Batha (34%) et le Wadi-Fira (40%). Il est à noter que le taux de scolarisation relativement faible au Tchad s’explique par l’impact négatif de pesanteurs sociales qui continuent d’entraver l’émancipation de la femme en général. Dans les zones rurales et même dans certains centres urbains, la fille est encore vue comme une personne devant seconder sa maman dans les tâches ménagères et se marier quand elle aura l’âge. Par ailleurs, la pauvreté dans certaines familles conduit les parents à prioriser l’éducation du garçon au détriment de la fille. Il y a cependant une régression inquiétante du taux de scolarisation au fur et à mesure que le niveau scolaire augmente, peu de filles achèvent leur cursus scolaire. En effet, le taux d’achèvement du cycle primaire est de 30% de taux d’achèvement au cycle primaire et 10% au cycle secondaire, classant le Tchad au 140e/193 pays.
Par ailleurs, l’accès des filles à l’éducation est aussi favorisé par la création par le décret N°414/PR/PM/MEN/2007 du 17/05/07 de la Cellule Technique de la Promotion de la scolarisation de filles qui fut transformée en Direction de la Promotion de l’éducation des filles depuis 2007. Dans le même souci, le ministère de l’Éducation nationale a créé des centres d’alphabétisation des femmes dans tout le pays ; il a aussi procédé à la conception d’un manuel intégrant l’approche genre dans l’éducation au Tchad.
Il faut reconnaitre que malgré les efforts du gouvernement pour assurer un accès équitable à l’éducation pour les filles et femmes, beaucoup reste à faire dans ce domaine surtout en milieu rural où les considérations traditionnelles continuent d’impacter négativement les progrès en matière d’éducation des filles et d’alphabétisation des femmes.
Accès à la santé
L’accès aux services de santé est limité au Tchad, et ce plus en milieu rural qu’en milieu urbain, et plus pour les femmes que pour les hommes. La morbidité des ruraux est un peu plus élevée (29,1 %) que celles des urbains (22,7 %) et pour les femmes (29,5%) que pour les hommes (26,2 %) (FAO, 2021). La prévalence du paludisme est plus élevée toutefois chez les hommes (32.3%) que chez les femmes (27.8%) et touche 35.8% des enfants de 6 à 59 mois.
Par ailleurs, seule 0.3% de la population a accès à une assurance maladie, et il n’y a pas de différences entre hommes et femmes au niveau national (INSEED et UNICEF, 2021). La loi n°006/PR/2002 du 15 avril 2002 portant promotion de la santé de reproduction et son décret d’application datant du 14 octobre 2020, constituent une grande avancée dans la promotion de santé. Cet instrument est crucial dans la mesure où la santé de la reproduction est d’une importance capitale dans le développement humain. Cependant, le faible accès aux services de santé en général se traduit en particulier dans le domaine de la santé reproductive, où les inégalités sont criantes entre populations urbaines et rurales, notamment dû à l’accessibilité physique et virtuelle des centres de santé en milieu rural. Ainsi, 60.1% des femmes vivant en milieu urbain accouchent dans un établissement sanitaire contre 21.1 % des femmes rurales (INSEED et UNICEF 2021). Globalement, la moyenne des femmes accouchant dans un centre de santé est de 27.2% au niveau national. Cette proportion est encore plus faible quand il s’agit du milieu rural. Le faible accès des femmes aux établissements de santé est à l’origine du fort taux de mortalité maternelle et infantile, cette situation place le Tchad parmi les pays ayant le taux de mortalité le plus élevés et les indicateurs de santé les plus médiocres au monde (Banque Mondiale, 2015, Djimouko, 2018).
Accès aux médias
Selon l’enquête sur la consommation des ménages et le secteur informel au Tchad (ECOSIT III), 81% des femmes au Tchad n’ont pas été exposées aux médias. Le pays est à majorité constitué des populations rurales et analphabètes alors que l’accès aux médias demande un certain niveau d’alphabétisation, des moyens financiers pour se procurer des infrastructures nécessaires à l’accès aux informations. Qu’il s’agisse des médias classiques ou des nouvelles technologies de l’information et de la communication, les femmes tchadiennes ont pour la plupart un accès faible. Par ailleurs, cette enquête a montré que seules 15% de femmes écoutent la radio au moins une fois par semaine, alors que la radio est le média classique le plus accessible à tous compte tenu du coût d’accès.
En ce qui concerne les TIC, on constate qu’en milieu urbain, 84% des femmes sont utilisatrices des réseaux sociaux contre 80% pour les hommes. Cela s’explique par le niveau de vie des femmes urbaines et aussi par leur niveau d’instruction qui les pousse à rechercher l’information grâce aux nouveaux moyens techniques. En milieu rural, l’accès est plus difficile faute d’infrastructures (souvent seul l’homme détient un portable ou un poste radio) et d’instruction nécessaire.