Lois de promotion de la participation et de protection
Le Tchad à l’instar des autres nations du monde a mis en place divers instruments dans le souci de promouvoir des politiques en faveur des droits des femmes et du genre. Ces instruments couvrent des domaines variés afin de couvrir les manquements qui entravent l’émancipation de la femme. A cet effet, depuis le début de l’ère postcoloniale, de nombreuses lois et leurs décrets d’application ont été promulgués et appliqués. Il s’agit de la loi N°019/PR/95 datant de septembre 1995 qui consacre l’adoption de la Politique d’intégration de la femme au développement (PIFD), affirmant ainsi le caractère transversal de la dimension femme et la nécessité de promouvoir l’égalité des sexes pour un développement durable.
Cet instrument est suivi par les dispositions du Code de travail par la loi N°38/PR/96 de 1996 qui accorde les mêmes chances aux deux sexes dans le cadre de l’emploi, en termes de recrutement et de traitement relatifs à l’emploi pourvu. En outre, les termes du décret N°58/PR-MTJS-DTMOPS du 8 février 1969 interdisent l’emploi des femmes dans des travaux dangereux en raison des risques qu’ils comportent pour leur santé et qui sont, par ailleurs, moralement ou socialement inappropriés.
Mais bien que ces deux instruments juridiques nationaux constituent un cadre de référence dans la promotion du genre et de la protection des droits de la femme en matière d’emploi, il peine à imprimer ses marques au regard des inégalités femme/homme sur le marché de l’emploi et surtout des discriminations basées sur le genre constatées dans certains services. Dans le même souci, le gouvernement du Tchad a également promulgué la loi N°022/PR/2018 du 05 novembre 2018 instituant la parité femme/homme dans les fonctions nominatives et électives.
En avril 2002, le Tchad a produit un autre instrument dans le domaine de la santé, en l’occurrence la loi N°006/PR/2015 portant promotion de la santé de la reproduction et la création d’une direction de la santé de reproduction et de vaccination, compte tenu du rôle crucial de la santé de la reproduction dans le développement humain et de l’accroissement démographique
En 2016, soit un an seulement après l’adoption de l’ordonnance n° 006/PR/2015 et la loi N° 029/PR/2015 interdisant le mariage d’enfant et fixant l’âge légal du mariage à 18 ans au Tchad, le ministère de la Femme et de la Protection de la petite enfance renseigne que 28% des femmes âgés de 15 à 49 ans ont été mariées avant l’âge de 15 ans et 69% des femmes de 20 à 49 ans ont été mariées avant l’âge de 18 ans. Ce qui montre la lenteur dans l’obtention des dividendes escomptées par la création d’instruments juridiques nationaux et alerte sur la nécessité d’un travail de fond sur la promotion desdits instruments, alors que les dispositions pénales (emprisonnement de 5 à 10 ans et une amende de 500 000 à cinq millions de FCFA pour toute personne qui contraint une personne mineure au mariage) sont là. L’application ferme de ces dispositions auraient pu contribuer à infléchir cette tendance.
Malgré une volonté affichée des autorités tchadiennes dans la promotion du genre en général et de celle des femmes en particulier, on constate que les divers instruments juridiques nationaux dédiés à cette cause tardent à produire les effets escomptés. Les raisons de cette lenteur sont multiples : pesanteurs sociaux, laxisme des pouvoirs publics, faible sensibilisation des femmes autours de ses divers mécanismes, etc.
Application des lois
Au Tchad, la loi N°022/PR/2018 instituant la parité progressive dans les postes nominatifs et électifs au Tchad, est encore à ses balbutiements dans son application. Toutefois, il faut noter qu’en 2021, il y a eu une nette amélioration dans la mise en œuvre de cette loi avec la nomination de près de 33% des femmes au Conseil national de transition comme l’exige la loi en ses termes. Par ailleurs, de nombreux autres exemples (dernier recrutement à la police nationale par exemple) témoignent de l’application effective de cette loi fortement défendue par les organisations féminines.
Ratification et domestication des instruments internationaux
Dans le souci d’apporter plus de protection et de droits aux femmes, le Tchad a fait siens plusieurs instruments internationaux. Concernant la lutte contre les violences, on peut citer entre autres :
- la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) de 1979 auquel le pays a adhéré en 1995
- et la Convention contre la torture et les autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants de 1984 et dont l’adhésion par le Tchad date de 1995 mais, la ratification tarde toujours.
Il y a également :
- la Convention relative aux droits de l’Enfant de 1989 que le Tchad a signé et ratifié en 1990,
- la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples de 1981 qui fut signé et ratifié par le Tchad en 1986.
Le Tchad a aussi ratifié la Charte des droits et du bien-être de l’Enfant de1990 et y a adhéré en 2000. Tous ces instruments ont inspiré les autorités à mettre en place des instruments nationaux tels que la CEDEF 3 de 1979, qui est entrée en vigueur en 1981 pour n’être ratifiée par le Tchad qu’en 1996. Il faut en outre remarquer que vers la fin de la décennie 90, la dynamique des organisations féminines a conduit le pays à donner plus de place aux instruments internationaux favorables aux droits des femmes. Mais aujourd’hui, le problème de taille pour le pays est l’incapacité des Tchadiens à s’entendre pour se doter d’un Code de la famille en raison des divergences entre tendances religieuses (chrétiens et musulmans). Cela est d’autant plus paradoxal quand on sait que le Tchad a signé plusieurs instruments internationaux (exemple de la CEDEF) et dont l’obligation de les transcrire dans les faits au niveau national est une nécessité.