Accès à la terre
Le rapport 2019 de International Land Coalition (ILC), (une plateforme multi-acteurs qui accompagne les politiques publiques sur le foncier) révèle qu’en Côte d’Ivoire moins de 10% des propriétés foncières appartiennent à des femmes. La situation est encore plus dramatique quand il s’agit des terres communautaires. La persistance des barrières traditionnelles est pour beaucoup, dans cette situation. La Côte d’Ivoire a adopté une politique publique visant à donner les mêmes chances aux hommes et aux femmes d’accéder aux ressources naturelles et, en particulier, à la terre. Mais sur le terrain la réalité est tout autre. Les femmes continuent de subir toutes sortes de discriminations qui les éloignent de cette ressource précieuse qu’est la terre, indispensable à leur autopromotion et au développement socioéconomique du pays.
L’accès des femmes à la propriété foncière reste donc un défi pour la Côte d’Ivoire qui doit rendre la législation foncière plus favorable aux femmes surtout en milieu rural et œuvrer à lever ses stéréotypes. Il faudrait une meilleure prise en charge par les autorités des véritables problèmes qui entravent l’accès équitable des femmes à la terre et aux ressources naturelles.
Accès aux financements et au crédit
En Côte d’Ivoire, les femmes se heurtent à divers obstacles pour avoir accès au financement et au crédit et développer leurs activités. Certaines disposent souvent d’un capital réduit pour démarrer leur activité et sont moins susceptibles de bénéficier de capitaux d’investissement privés ou de capital-risque. Le plus souvent, les banques demandent des garanties que les femmes ne peuvent pas fournir. Ce sont généralement les hommes qui sont propriétaires des biens à valeur importante (titre foncier, véhicule etc.). Par ailleurs, les femmes de Côte d’Ivoire ont ordinairement une peur du risque et de l’échec et une faible culture financière qui les empêchent souvent de demander des prêts. Elles font également face au manque de soutien familial, mais aussi au manque de formation pour le développement de compétences nécessaires à la gestion effective d’une entreprise. Les contraintes personnelles (responsabilités familiales, problèmes familiaux, projets professionnels du conjoint) et la faible intégration des femmes aux réseaux d’affaires constituent d’autres obstacles. En 2017, en Côte d’Ivoire, le gouvernement a mis en place un fonds pour la promotion des PME et l’entrepreneuriat féminin, doté d’une enveloppe de 5 milliards de Fcfa. Ce fonds vise à faciliter l’accès au crédit bancaire aux femmes chefs d’entreprises, y compris de start-up, tout secteur d’activités confondu.
Accès à l’éducation
En Côte d’Ivoire, il y a eu une progression des effectifs scolaires féminins depuis l’accession du pays à l’indépendance. Toutefois, les filles sont toujours victimes de sous-scolarisation et de la déscolarisation (Yéo et Kéi 2016; RESEN, 2015 ; PND, 2016-2020). Il existe, en matière de scolarisation primaire, de fortes inégalités entre les sexes en défaveur de la grande majorité des filles malgré l’importante hausse de la population féminine scolarisable ces dernières années. Ainsi, en Côte d’Ivoire, on note que les filles représentent 57,1 % des enfants non scolarisés, et 48,7 % des filles d’âge scolaire ne fréquentent pas l’école contre 35,8 % des garçons (MEN, 2020). Les obstacles qui perpétuent la sous-scolarisation des filles à l’école primaire sont multiples. De nombreux auteurs ( Yéo et Kéi 2016 ; Bih, 2003 ; Manikak, 2011; UNICEF, 2018) évoquent les représentations sociales que se font les communautés de l’école, les stéréotypes sur les rôles sexistes, l’extrême pauvreté de certains parents, les coûts d’écolage, la préférence donnée par les parents à l’apprentissage des garçons etc. Selon le rapport d’analyse des données statistiques du MENTFP/DSPS rendu public en 2020, le taux d’achèvement des filles au premier cycle en Côte d’Ivoire reste faible et inférieur à celui des garçons : sur 100 filles entrées au CP1, seulement 58 parviennent au CM2, contre 89 chez les garçons.
Accès à la santé
En Côte d’Ivoire, les femmes ont difficilement accès aux centres de santé, en raison du coût élevé des prestations. La situation devient plus critique lorsqu’on s’intéresse aux conditions d’accès des hôpitaux généraux et des centres hospitaliers régionaux (A. Etien 2020).
En Côte d’Ivoire, la loi garantit à chaque citoyen un accès égal à la santé. Le dernier recensement général de la population et de l’habitat de 2014 a dénombré 22 671 331 habitants avec une densité de 70,3 habitants/km2 dont 50,2 % vivent en milieu urbain et 49,8 % en milieu rural. Les femmes en âge de procréer représentent 24 % de la population et les enfants de moins de 5 ans, 16 %.
Deux décennies après l’effectivité de la décentralisation sanitaire, les résultats demeurent encore mitigés. En 2019, les statistiques du ministère de la Santé et de l’Hygiène publique (MSHP) montrent clairement une sous-utilisation des principaux services offerts dans les districts sanitaires et cela à tous les niveaux de la pyramide sanitaire. Le taux de fréquentation des centres de santé par les femmes stagne. Il atteint difficilement la barre des 30%. L’accessibilité aux centres de santé ne s’améliore guère. De 2009 à 2013, une femme sur trois résidait à moins de cinq kilomètres d’un centre au niveau national (A. Etien 2020). La situation est plus catastrophique dans les districts sanitaires de Soubré (22%), Dabakala (17%), Gueyo (12%) et Odienné (5%). Concernant les soins prénataux et de suivi de grossesses, le taux de couverture de la première consultation prénatale est à 88%. A partir de la quatrième visite, seulement 44% des femmes continuent de fréquenter les services de santé. Certaines femmes privilégient les soins alternatifs aux soins produits par les professionnels de santé. Les disparités régionales sont loin d’être éliminées. Les femmes des régions du nord sont celles qui fréquentent de moins en moins les structures sanitaires formelles (A. Etien 2020).. A cela s’ajoutent les contrastes entre zones rurales et zones urbaines. Malgré les importantes ressources financières et humaines investies dans les hôpitaux durant ces 20 dernières années pour l’amélioration de leur attractivité et de leurs prestations, aucune étude récente n’a été menée pour évaluer l’accessibilité des hôpitaux régionaux et départementaux par la population ivoirienne.
Accès à la propriété
Si le droit positif ivoirien (Constitution du 8 novembre 2016, Ordonnance de 2013 relative à la propriété des terres urbaines, Code Civil, etc.) ne fait aucune discrimination pour l’accès de la femme à la propriété tant du domaine rural que du domaine urbain, dans la pratique, des restrictions dans l’exercice de ces droits s’observent en milieu rural du fait des pesanteurs socio-culturelles (coutumes traditionnelles) défavorables aux femmes et également du fait de certaines dispositions légales de la Loi n°98-750 du 23 décembre 1998 relative au domaine foncier rural.
En effet, bien que ladite loi établisse l’égalité des droits de propriété entre les hommes et les femmes en son article premier, l’article 3 consacre la notion de « droits coutumiers conformes aux traditions ». Or les coutumes tant des lignées matrilinéaires que patrilinéaires des différents groupes ethniques en Côte d’Ivoire ne reconnaissent pas aux femmes, le droit à la propriété de la terre. Par ailleurs, l’obtention d’un certificat de propriété est une tâche complexe et onéreuse.
Accès aux médias
Selon les données 2021 du Ministère de la Communication, des médias et de la Francophonie de Côte d’Ivoire, les médias accordent une plus grande attention aux questions intéressant les femmes et à leurs préoccupations. Des mesures ont été prises pour faciliter l’accès des femmes aux médias et pour promouvoir une représentation équilibrée et non stéréotypée des femmes. Des efforts ont été faits également pour inclure une approche soucieuse d’équité entre les sexes dans la formation des professionnels des médias. Pourtant, la réalité montre que les femmes ont souvent des difficultés d’accès aux médias en raison des contraintes financières, mais aussi du fait de l’analphabétisme qui touche plus les femmes que les hommes. Par ailleurs, seules 3 femmes sur 43 personnes dirigent des entreprises de presse en Côte d’Ivoire.
Contrôle et bénéfices
Les femmes de Côte d’Ivoire sont confrontées à des difficultés dans le contrôle et la gestion financière de leur activité. Il s’agit notamment d’un manque de formation et d’accompagnement. Par ailleurs, n’ayant pas accès à des comptes bancaires et à des mécanismes d’épargne, elles ont souvent du mal à contrôler leurs revenus. Le rapport 2020 du Digital Financial Services (DFS) Working group révèle qu’en Côte d’Ivoire, même si les femmes ne sont pas à égalité avec les hommes dans l’accès et l’utilisation des services financiers formels, elles semblent être plus habiles et plus débrouillardes qu’eux en ce qui concerne la gestion de l’argent.